Issue d’une activité pratique, apparue en opposition à l’atomisme et la « déshumanisation » de la méthode expérimentale (en psychologie comme en médecine), la psychologie clinique désigne à la fois un domaine et une méthode. Son domaine a d’abord été celui de la psychopathologie (tentative d’interprétation psychologique de la pathologie mentale et/ou interprétation de la pathologie (d’origine psychologique), puis s’est étendu à toutes les formes de conflits individuels, de souffrance et de dysfonctionnements, tant chez les adultes que chez les enfants). La méthode « clinique » – qui s’oppose à la méthode expérimentale – est « naturaliste », se référant à la totalité des situations envisagées, à la singularité des individus, à l’aspect concret des situations, à leur dynamique, à leur genèse et à leur sens, l’observateur faisant partie de l’observation. La méthode clinique va ainsi produire une situation, avec une faible contrainte, pour faciliter et recueillir les productions d’une personne. Cette méthode suppose ainsi la présence du sujet, son contact avec le psychologue, mais aussi sa liberté d’organiser les situations proposées comme il le souhaite. Elle s’appuie sur des techniques utilisées dans le domaine de la pratique (entretiens, observations, tests…) qui ont pour but d’enrichir la connaissance d’un individu (activité pratique d’évaluation et de thérapie) ou de problèmes plus généraux et d’en proposer une interprétation ou une explication (théories psychologiques).
Définitions de la psychologie clinique
2Lagache (1949), l’un des « inventeurs » français de la Psychologie Clinique estimait qu’elle visait à envisager la conduite dans sa perspective propre, à relever aussi fidèlement que possible les manières d’être et de réagir d’un être humain concret et complet aux prises avec une situation. Il revendiquait ainsi le domaine de l’humain (« homme en situation ») comme celui de cette discipline et l’étude des cas singuliers comme sa principale méthode. Les principes de la méthode clinique sont donc la singularité, la fidélité à l’observation, la recherche des significations et de l’origine (des actes, des conflits) ainsi que des modes de résolution des conflits. La référence à l’individualité et à la pluralité des fonctions était évoquée par Lagache qui, au-delà d’une méthode, évoquait une position épistémologique et une conception anthropologique du sujet psychologique.
3La pertinence pratique de cette conception en fait un modèle indépassable vers lequel devrait tendre tout travail clinique, mais il serait problématique d’y voir une condition obligatoire de toute approche pour qu’elle soit considérée comme clinique. L’état actuel des travaux psychologiques montre que s’il est essentiel de ne pas se fixer sur certains symptômes en ignorant tout de leur contexte et de la manière dont le sujet les perçoit, il est néanmoins possible de recueillir certaines informations sans s’engager dans une étude de cas exhaustive. Si le résultat d’un patient à un test peut-être dépendant de la situation (rappelant les examens), du sens que le sujet lui donne (mise à l’épreuve, jugement, sanction…), de la relation avec ce que représente le psychologue, si le patient ne peut être défini à partir de ce seul critère (résultats aux tests), il reste que ceux-ci sont un bon indice des performances intellectuelles et qu’ils ne peuvent être rejetés sans risque. Les termes mêmes de la conception de Lagache « sens », « structure », « genèse », « recherche de ce qui motive le conflit » ne correspondent plus à certaines formulations de la psychologie clinique qui s’attache avant tout à décrire les phénomènes et leurs modalités sans considérer que les conflits infantiles causent toutes les manifestations de souffrance. La définition pragmatique la plus large est sans doute celle de Schmitt : « La psychologie clinique est l’application et le développement autonomes de théories, de méthodes et de techniques de la psychologie et de ses disciplines voisines, à des personnes ou groupes d’individus de tous âges qui souffrent de troubles ou de maladies (quelle qu’en soit la cause primaire) qui se manifestent au niveau psychique (comportement et expérience vécue) et/ou au niveau somatique, ou qui semblent menacés par des pareils troubles et maladies. Ce faisant on utilise dans la pratique des méthodes de prévention, de diagnostic, de conseil, de réhabilitation et de thérapie. Des activités pratiques de psychologie clinique s’exercent surtout dans des centres de consultation de toutes sortes, des homes, des institutions médicales hospitalières et ambulatoires, dans la « communauté » et la pratique libérale. La recherche et l’enseignement sont stipulés explicitement comme parties essentielles de la psychologie clinique parce que sans elles une discipline peut rapidement dégénérer en praxéologie ».