Dans le cadre d’une convention de partenariat signé par l’Université de Kinshasa et l’Institut Français de Kinshasa, l’École de Criminologie a eu l’honneur et le privilège de recevoir Jean-Pierre OLIVIER de SARDAN pour le séminaire intitulé « Pour une étude empirique rigoureuse des modernités africaines« . Ce séminaire d’un volume horaire de 20h s’est tenu du 25 mars au 1er avril 2024 à l’École de Santé publique de l’Université de Kinshasa et a été modéré par la Professeure Sara LIWERANT, directrice-adjointe de l’École de criminologie de l’Université de Kinshasa en charge de la recherche et du Centre de criminologie y rattaché. Il a connu la participation de près de 70 participants en présentiel et près de 40 sur Zoom, répartis entre professeurs, chercheurs, doctorants et apprenants en Sciences sociales (Criminologie, Socio-anthropologie, Sciences politiques et Relations internationales, Droit, etc.) de l’Université de Kinshasa et de l’Université Pédagogique nationale ainsi que des autres institutions d’enseignement et de recherche congolaises et étrangères.
Jean-Pierre OLIVIER de SARDAN est socio-anthropologue et franco-nigérien. Il est directeur de recherche émérite au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) à Paris, Directeur d’Études à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS) à Marseille, co-fondateur du Laboratoire d’Études et de Recherches sur les Dynamiques Sociales et le Développement Local (LASDEL) basé à Niamey et à Parakou et de l’Association pour l’anthropologie du changement social et du développement (APAD). Reconnu pour sa rigueur et son ancrage empirique dans les terrains africains, il a notamment travaillé sur la corruption, sur les élections, sur les politiques publiques, les administrations, la délivrance des services publics et sur l’objet « développement ». Sa production scientifique est si importante que l’on ne peut ici citer que ses ouvrages majeurs, à savoir, aux éditions Karthala L’enchevêtrement des crises au Sahel. Niger, Mali, Burkina Faso (2023), La revanche des contextes. Des mésaventures de l’ingénierie sociale en Afrique et au-delà (2021), Élections au village. Une ethnographie de la culture électorale au Niger (2015), Une médecine inhospitalière. Les difficiles relations entre soignants et soignés dans cinq capitales d’Afrique de l’Ouest (2003), Anthropologie et développement. Essai en socio-anthropologie du changement social (1995), aux éditions Academia-Bruylant La rigueur du qualitatif. Les contraintes empiriques de l’interprétation socio-anthropologique (2008).
Le séminaire s’est décliné par sous-thèmes. La première séance a été consacré aux « modernités africaines ». Jean-Pierre OLIVIER de SARDAN a justifié ce titre par la volonté de s’inscrire en contrepoint des clichés qui pèsent tant sur l’anthropologie que sur l’Afrique. Insistant sur le fait de ne pas s’enfermer dans une Afrique immémoriale car « rien du passé n’arrive tel quel mais subit des transformations« , il a préconisé l’étude empirique des modernités africaines c’est-à-dire des organisations (associations, entreprises, bureaucraties…), de l’État et de ses appareils (les services publics, la bureaucratie…), les politiques publiques (qu’elles soient mises en œuvre par l’État, les organisations internationales, les ONG…) et les projets de développement qui font partie du paysage de nos pays. La seconde séance a porté sur les contraintes du pouvoir. Il a notamment présenté la notion de « rivalités de proximité » c’est-à-dire des sociabilités partagées par les acteurs du pouvoir politique donnant lieu à des « batailles féroces », tout comme les sociabilités familiales… Lors de la quatrième séance, Jean-Pierre OLIVIER de SARDAN s’est focalisé sur les précautions méthodologiques nécessaires pour l’interprétation en termes de culture. Après avoir retracé l’histoire de cette notion, il a insisté sur la généralisation arbitraire (non fondée sur un travail empirique), souvent abstraite menant à un culturalisme idéologique et non empirique. La quatrième séance a été dédié aux études décoloniales. Engagé dans un décolonialisme politique qu’il distingue du décolonialisme savant, il a attiré l’attention sur les deux formes de ce dernier : le décolonialisme idéologique et le décolonialisme empirique. Enfin, la dernière séance du séminaire a permis de présenter ses derniers travaux sur les réformes des services publics en Afrique et particulièrement « les réformateurs de l’intérieur » qui permettent de modifier les « normes pratiques ».
De façon générale, Jean-Pierre OLIVIER de SARDAN a souligné l’importance d’une anthropologie de la proximité et d’une anthropologie des discordances allant à l’encontre l’homogénéisation des sociétés, la présence des multi-redevabilités des acteurs, la considération des rationalités contextuelles, les positionnalités choisies par les chercheur.es, et l’indispensable refus du dogme des concepts auquel il préfère les « concepts exploratoires ».
Ce séminaire a ainsi permis aux professeur.es et aux étudiant.es des sciences sociales de débattre sur la méthodologie qualitative, sur les concepts que Jean-Pierre OLIVIER de SARDAN a élaborés empiriquement depuis une soixantaine d’années en Afrique. Au regard de l’importance de ce séminaire, la Secrétaire Générale à la Recherche l’a rehaussé de sa présence en clôturant cet important évènement scientifique et en remettant les attestations de participation et de très haute considération aux participants et aux participantes ainsi qu’à Jean-Pierre Olivier de Sardan. Elle a remercié l’Institut Français de Kinshasa, à travers sa Directrice, Madame Françoise Balais, pour les facilités accordées sur le plan de la logistique et la prise en charge de Jean-Pierre Olivier de Sardan.